Logement social : un secteur à (re)construire ?

28 février 2024 | Décryptage Logement social : un secteur à (re)construire ?

En 2023, plus de 4,5 millions de personnes sont mal-logées en France. Comment se porte le secteur du logement social ? Décryptage.

“Mes amis, au secours...” C’était il y a 70 ans, le 1 février 1954, l’Abbé Pierre lançait son appel à un grand élan de solidarité, après le décès d’une femme morte de froid dans la rue.

Depuis cet appel, le mal-logement est toujours autant d’actualité. En 2023, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, on comptait près de 4,5 millions de personnes mal-logées en France, soit environ 6% de la population. 

Les demandes de logement social explosent et l’offre n’est pas au rendez-vous : on ne construit pas assez, et pas assez vite. Surtout le bâtiment est, dans sa globalité, mal entretenu. En 2017, 2 millions de personnes étaient sur liste d’attente pour obtenir un logement social, aujourd’hui, elles sont 2,6 millions. 

Comment le secteur du logement social évolue-t-il en France ? Quelles sont les conséquences de la crise immobilière sur le logement social ? Peut-on concilier logement social et écologie ? On décrypte les enjeux de ce secteur essentiel. 

Logement social, de quoi parle-t-on ?

 

Historique et dates clés

Les premiers logements sociaux ont émergé en France au début des années 1850. Appelés “HBM”, (Habitat à Bon Marché), ils étaient principalement destinés à la classe ouvrière, et sont rebaptisés “HLM” (Habitat à Loyer Modéré) un siècle plus tard, en 1950.  

HLM
La construction des HLM se massifie dans les années 70

 

Dans les années 70, c’est la révolution : le logement social devient un enjeu de politique publique, et sa construction se massifie. 

L’objectif est de favoriser l’accession à la propriété des populations les plus modestes avec la création du prêt à taux zéro. C’est aussi dans les années 70 que de nombreuses aides sociales sont créées comme les APL (Aide personnalisée au logement) et le PLA (Prêt Locatif Aidé). 

Qu'est-ce qu'un logement social ?

C'est un logement construit avec l’aide de l’état et qui est soumis à des règles de construction, de gestion et d’attributions précises. Les loyers sont également réglementés et l’accès au logement conditionné à des ressources maximales. (source : ministère du logement) 

En 1979, c’est la signature d’une convention entre le bailleur social et l’Etat qui fait entrer un logement dans la catégorie du logement social. Cette convention donne droit à des aides pour les locataires et les bailleurs.  

Qu'est-ce qu'un bailleur social ?

C'est un organisme chargé de construire et gérer des logements sociaux.

 

Au début des années 2000, la loi SRU, relative à la solidarité et au renouvellement urbain, ambitionne de recréer un équilibre social et de répondre à la pénurie de logements, en obligeant les communes urbaines à intégrer un minimum de 20 à 25% de logements sociaux sur leur territoire.  

Zoom sur les différentes catégories de logements sociaux  

  • Le PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) : destinés aux ménages les plus démunis. 
  • Le PLUS (prêt locatif à usage social) : pour les catégories modestes. 
  • Le PLS (prêt locatif social) : s’adresse aux ménages les plus aisés, parmi ceux pouvant prétendre aux logements sociaux. 
  • Le PLI (prêt locatif intermédiaire) : qui cible les classes moyennes, dont les revenus sont supérieurs à ceux du PLS.  

 

On distingue également les hébergements d’urgence, centres d’hébergement d’urgence (CHU) dont la vocation première est de fournir immédiatement et sans conditions un abri de nuit à une personne sans domicile fixe.

Ainsi que les dispositifs d’insertion pour les personnes en graves difficultés sociales : il s’agit de personnes sans domicile, ou déjà hébergées dans des CHU. Ces personnes sont orientées vers ce qu’on appelle des logements de stabilisation ou de réinsertion. 

Les logements sociaux proposent des loyers plafonnés qui demeurent largement en dessous des prix du marché. Pour les logements sociaux, ce loyer est compris entre 4 et 6 euros au mètre carré, maximum.  

La crise de l’immobilier : facteur essentiel du mal-logement 

Depuis deux ans, le secteur de l’immobilier subit une crise structurelle, qui amplifie le phénomène du mal logement.  

mal logement campagne abbé pierre

Une campagne sur le mal logement de la Fondation Abbé Pierre

En cause :  

  • Depuis 2022, le pouvoir d’achat immobilier est en chute libre : la capacité d’emprunt a baissé de 19% entre 2022 et 2023.
  • La baisse de la construction de logements sociaux : en 2024, les autorisations de logements sociaux devraient s’établir autour de 93 000, un chiffre qui demeure insuffisant pour répondre à une demande importante : 2,4 millions de personnes sont en attente de logements sociaux, soit 500 000 personnes de plus qu’en 2017.  
  • Selon une étude de la Banque des territoires (2023), les bailleurs sociaux vont devoir ralentir la construction de logements neufs, faute de moyens suffisants. Les hypothèses de construction ont été revues à la baisse, avec une diminution d’environ 25 000 unités de logements par an.  

Qu'est-ce qu'un logement vacant ? 

C’est un logement non occupé mais destiné à l’usage de l’habitation. 

 

Pourquoi certains logements sont-ils vacants ? 
  • Ils sont trop dégradés pour être habités 
  • Ils sont situés dans des zones rurales, éloignées de l’emploi, ou dans les zones de moins de 50 000 habitants.
  • Il s'agit de biens qui sont en attente de location ou de vente depuis trop longtemps. 


La part des logements vacants est en hausse  

Depuis 1990, il y a 1,2 millions de logements vacants supplémentaires. 

Pour obliger les propriétaires à louer ou à vendre ces appartements, la taxation augmente. À partir de la deuxième année de vacance, le taux passe de 25 à 34%. Mais, pour l’instant, cela ne semble pas être encore assez dissuasif.  

Comment le logement social évolue ?

 

L'avis de la Fondation Abbé Pierre

Dans son dernier rapport sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre déplore le manque de subventions publiques pour financer le logement social, et la réforme de la loi SRU, envisagée par le gouvernement. 

Pour rappel, la loi SRU, oblige certaines communes françaises à respecter un ratio de 20 à 25% de logements sociaux.  

Aujourd’hui, le bilan n’est pas bon : seules 4 communes sur 10 soumises à la loi SRU respectent ce ratio.   

Et le Premier Ministre Gabriel Attal souhaite y intégrer les logements intermédiaires (logements aux loyers plafonnés, entre 10% et 15% en dessous des prix du marché, destinés aux classes moyennes) pour atteindre les objectifs de logements sociaux. Mais cela pénaliserait les demandeurs les plus précaires, cette catégorie de logement étant jugée plus chère et inaccessible. 

Une solution à la crise du logement social : la politique du "logement d'abord"

Aujourd’hui, la logique en France est de loger d’abord ceux qui se sont réinsérés dans la société. Certaines personnes qui vivent dans la rue depuis une longue période ne sont donc pas prioritaires. Le temps d’attente moyen d’un sans-abri pour être relogé est de 8 ans. 

Pour inverser cette tendance, des solutions existent. Comme la politique du “Logement d’abord”, surtout développée dans les pays nordiques et au Canada. Là-bas, le logement est défini comme un levier pour entamer son parcours de réinsertion, et pas comme une “récompense” qui interviendrait à la fin du parcours.  

La politique du “logement d’abord” permettrait de lutter immédiatement contre le mal-logement et la grande précarité.  

Peut-on concilier écologie et logement social ?

S’il veut répondre efficacement aux enjeux environnementaux et à la hausse des prix de l’énergie, le logement social de demain doit être écologique. D’autant plus que le mal-logement risque d’augmenter avec les effets du réchauffement climatique.  

Il est notamment responsable du phénomène de “retrait-gonflement” des argiles : les terrains argileux se rétractent en période de sécheresse, et se gonflent lorsqu’ils sont de nouveaux hydratés, avec la pluie. Cela déstabilise les sols et dégrade les habitations. Ce phénomène pourrait toucher jusqu’à 4 millions de maisons en France. 

De nombreux acteurs du secteur l’ont bien compris, et luttent déjà pour rendre accessible au plus grand nombre des logements qui concilient ces deux aspects.  

C’est le cas de la Foncière Chênelet, dont l’objectif est de créer des logements qui garantissent la meilleure qualité de vie possible, en misant sur la haute qualité environnementale (performance énergétique, qualité de l’air, matériaux de construction durables). À ce jour, la foncière accueille 250 personnes dans un parc de 125 logements sociaux. 

D’autres foncières solidaires, comme Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL Prologues) développe des logements d’insertion et les réhabilite. L’objectif est de proposer un réel accompagnement à celles et ceux qui souffrent de mal-logement ; 

snl prologues
La Foncière solidaire SNL Prologues

L’habitat partagé est aussi envisagé comme une solution pour rendre accessible un logement de qualité au plus grand nombre, en zone urbaine. C'est le cas de l’entreprise à mission Vitanovae qui accueille avec ses résidences des publics variés : familles mono-parentales, étudiants, jeunes actifs ou personnes en situation de handicap, avec un niveau de confort élevé et un impact environnemental faible. 

Le logement social peut aussi concerner des publics à la santé fragile, des personnes âgées ou en situation de handicap. La Foncière Léopold Belland par exemple accueille dans ses établissements médicos-sociaux des personnes qui ne pourraient pas avoir accès à un logement décent et adapté.  

 

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