Compensation carbone, marché du carbone, quotas, crédits... Il est devenu difficile de s’y retrouver dans la grande jungle de la décarbonation. On vous aide à comprendre comment fonctionnent les marchés du carbone, et surtout à différencier le greenwashing des initiatives qui contribuent à décarboner notre économie.
Comment se structurent les marchés du carbone ?
Sur le marché carbone, on distingue le marché réglementaire avec les quotas carbone et le marché volontaire avec les crédits carbone. On vous explique.
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Le marché réglementaire des quotas carbone
Les quotas carbone sont des quantités d’émissions de CO2 autorisées, que des régulateurs attribuent aux grands pollueurs (industrie lourde, énergie, aviation…) pour plafonner leurs émissions.
Exemple 🔎
l’Union Européenne fixe pour une entreprise un plafond d’émissions à ne pas dépasser sur 2025 et lui distribue des quotas correspondant à ce plafond.
À la fin de l'année, l’entreprise doit rendre à l’UE un volume de quotas équivalent au volume d’émissions produit. Si elle a émis plus, elle achète des quotas manquants aux entreprises ayant émis moins.
Un marché et un prix émergent donc de l’offre et de la demande de quotas entre les entreprises ayant du surplus ou des besoins de quotas. Ce marché pèse aujourd’hui plus de 100 milliards de dollars.
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Le marché volontaire du carbone
Que les entreprises soient concernées par les quotas ou non, certaines décident de définir une trajectoire de décarbonation de leurs activités, volontairement.
Leur objectif est de s’aligner avec les accords de Paris, en définissant un objectif de réchauffement climatique de 2°C maximum par rapport à l’ère préindustrielle.
Pour respecter les trajectoires de décarbonation qu’elles se sont fixées, les entreprises ont 2 possibilités :
- Réduire leurs émissions : Émettre directement ou indirectement moins de gaz à effet de serre, grâce à une amélioration de leurs pratiques.
Exemple 🔎
Une chaine de restaurant décide de supprimer la viande de bœuf de ses recettes.
- Compenser leurs émissions : C’est-à-dire acheter des crédits carbones, issus de projets évitant ou éliminant des gaz à effet de serre de l’atmosphère.
Exemple 🔎
Cette chaine de restaurant achète des crédits carbones relatifs à un projet de reforestation en Amérique Latine.
Pour atteindre l’objectif des accords de Paris, la plupart des secteurs doivent réduire de 70% à 90% leurs émissions de CO2 d’ici 2050, par rapport à 2019. Les émissions incompressibles (aussi appelées « résiduelles ») devront alors être compensées par des crédits carbone.
👀 Zoom sur les différentes catégories d’émissions
Scope 1 - Les émissions directes émises par l’entreprise : chauffage des locaux, émissions des voitures utilisées par l’entreprise...
Scope 2 - Les émissions indirectes et liées à l’énergie : créées lors du processus de production des produits.
Scope 3 - Toutes les émissions indirectes, liées aux achats de marchandises, matières premières, achats de service, déplacement domicile-travail...
Les émissions résiduelles ou “incompressibles” désignent les émissions qui persistent malgré la réduction des émissions Scope 1, 2 et 3.
C’est quoi les crédits carbone ?
Ce sont des unités équivalentes à une tonne de CO2 évitée ou séquestrée. Un projet de reforestation qui séquestre 1000 tonnes de CO2 = 1000 crédits carbone.
Les porteurs de ces projets vendent leurs crédits à des entreprises, collectivités locales ou particuliers, qui cherchent à réduire leurs émissions.
On distingue deux types de projets qui peuvent générer des crédits carbone :
- Les projets d’évitement du CO2, comme des projets d’énergies renouvelables, d’optimisation de l’énergie, ou de préservation de forêts primaires existantes.
- Les projets de séquestration du CO2, qui visent à créer ou restaurer des puits de carbone. Ils peuvent être de 2 ordres :
- Naturels (on parle de « NBS » pour « Nature Based Solutions ») comme les projets agroforestiers, d’agriculture régénératrice, projet océanique…
- Technologiques (« Engineered Solutions ») comme la capture directe de l'air et stockage par des machines et le captage direct de CO2 par une technologie.
Le prix du crédit carbone dans le monde varie selon le type de projet : il peut aller de 0.50€ à 2000€ la tonne. En France, le prix moyen du crédit carbone vendu par le Label Bas Carbone (délivré par le Ministère de la transition écologique) est de 32€ pour 1 tonne de CO2.
Aujourd’hui, le marché valorise davantage les crédits issus des technologies (500€ - 2000€ / tonne) plutôt que les crédits Nature Based (15€ - 70€ / tonne), car les premiers sont censés donner davantage d’assurance sur une séquestration quasi permanente du CO2.
Cependant, au sein des crédits Nature Based, les projets vertueux du point de vue de la biodiversité et/ou des populations locales parviennent à se vendre au-dessus des prix moyens.
Aujourd'hui, le marché des crédits carbone c'est :
- 2 milliards d'euros
- Et il pourrait atteindre entre 5 et 30 milliards d'euros d'ici à 2030
Le marché du carbone répond à des enjeux climatiques forts
- Entre 2019 et 2023, le monde émettait chaque année environ 40 milliards de tonnes de CO2, dont 4,7 milliards de tonnes liés au déboisement.
- Pour enrayer le réchauffement climatique, 5 à 16 milliards de tonnes de CO2 doivent être retirées de l’atmosphère chaque année jusqu’à 2050. (selon le GIEC)
- 3,5 milliards de tonnes de CO2 pourraient être stockées dans des puits de carbone naturels, qui captent et stockent le CO2 dans l’atmosphère (arbres, océans).
- 1 milliard de tonnes de CO2 pourraient être captées par des technologies de capture du CO2 dans l’air. (Par exemple, en absorbant chimiquement le CO2 issu de la combustion d’énergies fossiles).
L’approche à favoriser : contribuer plutôt que compenser
Mal utilisés, les crédits carbone et biodiversité peuvent être associés à du greenwashing et servir à :
- Compenser des dommages environnementaux ou sociaux par l’utilisation de crédits carbone
- Utiliser des crédits carbone et/ou biodiversité sans avoir de stratégie climatique alignée sur un monde à +2 degrés.
Pour éviter ça, les crédits carbone doivent être utilisés uniquement par des entreprises qui ont une vraie stratégie de réduction de leurs émissions, avec des paliers fixés avec la méthode SBTi (Science Based Targets Initiative).
Les crédits carbones sont un outil “en plus” qui doit contribuer au plan général de décarbonation, mais qui ne doit pas remplacer la réduction des émissions à la source.
La bonne nouvelle ? Les entreprises utilisant les crédits carbones ont baissé leurs émissions de 6% quand celles qui n’y ont pas recours les baissent de 3%, selon MSCI.
Le marché volontaire du carbone : un marché qui se réglemente et se certifie
Les crédits carbone permettent de relier un flux physique (évitement ou séquestration de CO2) à une valeur monétaire, ce qui offre un levier majeur pour financer des projets avec de réels impacts positifs pour le climat. L’enjeu de ce marché est de se structurer.
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Le Label Bas Carbone et les standards internationaux
Les standards sont un ensemble de méthodologies qui permettent de déterminer s’il existe un lien scientifique entre une pratique (ex : la rotation des cultures en agriculture) et un impact sur les gaz à effet de serre. Il existe des standards privés ou publics.
En France, le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire a créé en 2019 le “Label Bas Carbone”, qui permet d’identifier et de certifier des démarches de crédits carbone.
- Il répond à un enjeu de relocalisation : les entreprises financent des projets en France, et participent à la transition écologique de leurs territoires.
- Le label rend visible des secteurs qui ont un rôle à jouer dans la transition, et ont besoin de financement. (agriculture, gestion des forêts, construction, numérique)
À l’international et depuis la COP28, 6 organes de certification ont uni leur force à l’échelle mondiale pour amplifier l’impact du marché des crédits carbone et améliorer son intégrité.
Garantir l’intégrité des crédits carbone
Le système de Mesure, Notification et Vérification (en anglais : Measurement, Reporting and Verification – MRV) est une exigence internationale, qui garantit l’intégrité des crédits carbone. Pour que l’outil soit efficace, 4 critères doivent être pris en compte :
- Mesure : en comptant le carbone éliminé et les impacts sur la santé et les écosystèmes.
- Suivi dans le temps : en surveillant les impacts après la mesure initiale du carbone éliminé (pendant au minimum 5 à 7 ans)
- Transparence : sur l’accessibilité des données auprès des parties prenantes.
- Minimiser les fraudes : en faisant appel à des structures externes qui vérifient les quantités de carbone éliminées.
Les scandales passés sur des détournements de méthodologies amènent celles-ci à se renforcer pour continuer à exister. Par exemple Verra, l’un des principaux organismes certificateurs de crédits carbone, vient de rejeter une quarantaine de projets de riziculture en Chine, en raison de leur manque de fiabilité.
Financer des projets de haute qualité
En tant qu'investisseur, vous pouvez soutenir des initiatives qui agissent vraiment en faveur de la décarbonation et de la protection de la biodiversité.
C'est le cas d'hummingbirds, une entreprise française qui développe et finance des projets de solutions fondées sur la nature, axés sur la préservation et l'amélioration des forêts.
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